Principes d'apprentissage

Quelle que soit la discipline pratiquée et l’âge du cheval, toutes les activités pratiquées (à pied, montées ou attelées) sont le fruit d’apprentissages. Il est donc fondamental de savoir comment les chevaux apprennent ce qu’on leur demande et quelles méthodes sont utilisables. Une bonne application des principes d’apprentissage est un véritable atout dans l’éducation et le dressage des chevaux. Voici quelques notions de base.

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Niveau de technicité :
travail à pied
Sommaire

La notion d’apprentissage

L’apprentissage : qu’est-ce que c’est ?

Un apprentissage est une modification durable du comportement d’un individu comme résultat d’une expérience passée, exprimée par l’animal après exposition à un (des) stimulus (stimuli) environnemental (environnementaux) (voire définition dans le paragraphe Un peu de vocabulaire ci-dessous). L’animal reproduira ce nouveau comportement quand il sera à nouveau confronté au même stimulus. En général, les animaux modifient leur comportement de la façon qui leur est la plus favorable.

Théorie de l’apprentissage et relation Homme-cheval

L’éducation et le dressage du cheval sont une succession d’apprentissages. Cela commence par des apprentissages de base – comme habituer le poulain à la présence et au contact de l’Homme – jusqu’à des conditionnements complexes – comme effectuer des airs de haute école.

La théorie de l’apprentissage – établie à partir des travaux des grands comportementalistes Pavlov (1849-1936) et Skinner (1904-1990) – a fait l’objet d’un grand nombre de recherches en éthologie (science qui étudie le comportement animal) et dans le domaine des sciences cognitives (sciences qui étudient les mécanismes de la pensée et de l’intelligence). Ces principes universels sont communs à beaucoup d’espèces animales, des insectes aux mammifères. La connaissance de ces principes permet au cavalier de mieux comprendre comment son cheval apprend. C’est aussi un véritable plus dans le travail des chevaux, car leur mise en application :

  • Facilite les apprentissages, ce qui simplifie le dressage et le rend plus efficace.
  • Diminue le stress pour l’animal, ce qui permet un meilleur respect de son bien-être.
  • Favorise une plus grande sécurité.

Pourtant, ces principes demeurent souvent peu connus des cavaliers, alors qu’ils y ont sans cesse recours dans leur pratique. Il est fondamental de bien les cerner, de savoir identifier quel type d’apprentissage est mis en jeu au cours du travail, quelles en sont les règles et de détecter les erreurs à ne pas faire si l’on veut que le cheval comprenne ce qu’on attend de lui.

Un peu de vocabulaire…

Avant toute chose, voici quelques définitions à connaître :

  • Stimulus ou signal = tout changement dans l’environnement qui entraîne une réponse comportementale de l’animal (il peut s’agir des aides du cavalier ou d’un évènement du milieu extérieur, un individu, un objet, un bruit, une odeur…)
  • Renforcement = évènement qui augmente la fréquence d’un comportement et le rend plus probable d’être effectué dans le futur
  • Renforcement primaire = toute ressource que l’animal recherche naturellement (aliment, eau, abri, relation sociale ou sexuelle)
  • Renforcement secondaire = stimulus qui n’est pas une récompense en soit mais peut le devenir par le principe du conditionnement classique
  • Renforcement positif = le renforcement est apporté après obtention de la réponse désirée (c’est une addition)
  • Renforcement négatif = le renforcement est arrêté dès que la réponse désirée est obtenue (c’est une soustraction)

Différents types d’apprentissages à la base de tout travail avec les chevaux

Il existe 4 grands types d’apprentissages, à la base de tout travail du cheval à pied, monté ou attelé : l’habituation, la sensibilisation, le conditionnement opérant et le conditionnement pavlovien.

Les apprentissages non associatifs

Les apprentissages non associatifs sont des formes d’apprentissage se manifestant soit par l’atténuation soit par l’augmentation d’une réponse comportementale suite à la répétition d’un stimulus.

L’habituation

habituation
Cheval habitué au spray démêlant © A. Laurioux
L’habituation est un processus par lequel l’intensité d’une réponse à un stimulus (exemples : spray anti-mouches, douche, montée dans un van…) est atténuée suite à une exposition répétée à ce stimulus (diminution voire disparition du comportement initialement observé lors de la stimulation). Pour induire une habituation, il faut procéder par étapes, en augmentant progressivement l’intensité du stimulus, sans jamais dépasser le seuil de tolérance au-delà duquel le cheval commence à avoir peur. Elle peut être utilisée pour toutes les manipulations pouvant engendrer peur ou stress.


La sensibilisation

sensibilisation
Quand le seuil de tolérance est dépassé, il y a sensibilisation © A. Laurioux
Parfois, au lieu d’induire une habituation, avec une diminution des réponses de peur, la répétition d’un stimulus peut induire le phénomène inverse : la sensibilisation. Lorsqu’on dépasse son seuil de tolérance, le cheval apprend à réagir très fortement au stimulus appliqué. En règle générale, le stimulus est désagréable et la sensibilisation se produit lorsque le cheval est dans l’incapacité d’éviter ou de fuir l’exposition. Son niveau d’attention est augmenté et sa réponse au stimulus plus intense et rapide (exemple : cheval qui tire au renard à la simple vue d’un spray suite au fait que la présentation du spray n’a pas été faite correctement).

Le terme « désensibilisation », bien que n’étant pas reconnu scientifiquement, est couramment utilisé pour parler de l’habituation. Ceci est relativement incorrect, car la désensibilisation suggère qu’il y ait eu une sensibilisation au préalable.

Les apprentissages associatifs

Les apprentissages associatifs sont des processus dans lesquels l’animal apprend à produire une (ou des) réponse(s) comportementale(s) suite à la perception d’un stimulus donné, par association mentale entre les deux.

Le conditionnement opérant

conditionnement opérant
Le cheval qui avance à la pression de la jambe et/ou du stick est un exemple de conditionnemnt opérant © A. Laurioux
Le conditionnement opérant, encore appelé conditionnement skinnerien ou conditionnement instrumental, est un apprentissage associatif basé sur les renforcements, afin de provoquer l’expression d’un comportement. Le cheval apprend consciemment à associer un ou des ordre(s) à une action particulière de sa part (exemple : départ au trot à la longe suite au toucher de la chambrière sur la croupe).


Pour être sûr qu’un cheval fasse volontairement une action suite à un ordre de son cavalier/dresseur, il faut l’avoir motivé à réaliser cette action. C’est le rôle des renforcements. On distingue :

  • Le renforcement positif : récompense dès que le cheval donne la bonne réponse (exemple : exécution d’un reculer immédiatement récompensée par un morceau de carotte).
  • Le renforcement négatif : suppression de la pression exercée dès que le cheval donne la bonne réponse (exemples : pression de la jambe pour avancer, contact sur le mors pour s'arrêter, recul de la jambe pour partir au galop… suivi de l’arrêt immédiat de ces aides).

Lors de l’apprentissage, il va falloir que le cheval comprenne 1) quelle est l’action attendue, donc le mettre dans un contexte favorable, qui va lui permettre, par hasard, de produire cette action et 2) quel est le signal de la part du cavalier qui va lui indiquer quand cette action est attendue.

Le conditionnement classique

conditionnement classique
Au préalable associée à une récompense alimentaire, la caresse pourra petit-à-petit être utilisée comme récompense à la place de la nourriture © A. Laurioux
Le conditionnement classique, aussi appelé conditionnement pavlovien ou conditionnement répondant, est un processus par lequel le cheval crée une association entre deux stimuli. Ce processus met en jeu :

  • Un stimulus neutre (exemples : voix, caresse) qui n’induit naturellement aucune réaction de la part du cheval.
  • Un stimulus inconditionnel qui, même sans conditionnement préalable, a une valence forte pour le cheval (exemple : récompense alimentaire).

Avec la répétition, une fois que le stimulus neutre a été associé au stimulus inconditionnel, il devient « stimulus conditionnel ». Dans l’exemple ci-dessus, le fait d’associer une caresse à une récompense alimentaire va petit-à-petit permettre d’utiliser la caresse comme récompense à la place de la nourriture.

Schéma des principes d'apprentissage


Aucun type d’apprentissage n’est meilleur qu’un autre, ils sont au contraire complémentaires : tout dépend du contexte, de ce que l’on veut apprendre au cheval et du tempérament de ce dernier. En fonction du niveau d’expérience du cheval, il est important de savoir rester progressif et patient dans les exercices demandés. Le dressage d’un cheval est une combinaison et une succession d’apprentissages de plus en plus complexes, avec des signaux de plus en plus discrets, qui se construit sur des années.

Et l’apprentissage social ?

Le poulain apprend beaucoup de sa mère © Ifce
En plus des quatre types d’apprentissage présentés plus haut, et qui sont à la base de tout travail avec les chevaux, il existe une autre forme d’apprentissage qui fait partie de l’éducation du jeune cheval. Dans l’apprentissage social, le cheval apprend en regardant faire ou se comporter un autre cheval. L’existence de ce type d’apprentissage entre chevaux adultes est controversée. Le poulain apprend en revanche très certainement la recherche et la sélection de la nourriture, ainsi que les comportements sociaux vis-à-vis des congénères, en observant sa mère.

Il a été montré que le poulain supportait mieux certaines manipulations de la part de l’Homme s’il avait observé sa mère les supporter calmement. Empiriquement, certaines personnes l’utilisent, en faisant, par exemple, travailler une jument suitée pour que le poulain apprenne de sa mère.

Ce qu'il faut retenir

Il est important de bien connaître les principes d’apprentissage et de bien les appliquer pour que le cheval apprenne facilement ce qu’on attend de lui.

C’est petit-à-petit, en combinant les différents types d’apprentissages, que l’on va conduire le cheval à réaliser des actions complexes comme des figures de dressage…

En savoir plus sur nos auteurs
  • Léa LANSADE Ingénieure de recherche en éthologie IFCE-INRAE
  • Marianne VIDAMENT Docteur vétérinaire - ingénieure de projets & développement « Éthologie » et « Médiation équine » IFCE
  • Christine BRIANT Docteure vétérinaire - ingénieure de projets & développement « Bien-être des équidés » IFCE
  • Nelly GENOUX Ingénieure agronome - ingénieure de développement IFCE
  • Hélène ROCHE Éthologue - Éthologie du cheval

Bibliographie

  • BARAGLI P., PADALINO B. et TELATIN A. (2015). The role of associative and non-associative learning in the training of horses and implications for the welfare (a review). Annali dell'Istituto superiore di sanita, 51, pages 40-51.
  • DARMAILLACQ A.S. et LEVY F. (2015). Ethologie animale. De Boeck Editeur, Paris, 247 pages.
  • IFCE (2015). Travailler son cheval selon les principes de l’apprentissage. Editions Haras Nationaux, 77 pages.
  • ISES (International Society of Equitation Science) - Principes fondamentaux de l’entraînement du cheval → Poster en français
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 08 05 2024

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