Le datura : plante toxique
Plante invasive aujourd’hui répandue en France, le datura stramoine est une herbacée très toxique connue pour coloniser certaines cultures (maïs, soja, cultures maraîchères…) voire les prairies. Malgré une toxicité connue du genre botanique (Datura et Brugmansia), des espèces horticoles sont cultivées et ornent malheureusement parfois certains espaces verts et jardins d'amateurs, voire s'en échappent. Étant peu attractive, la plante fraîche est normalement ignorée par les chevaux au pâturage. Cependant, après dessiccation des feuilles, de la tige ou libération de graines, la consommation de foins ou de concentrés contaminés, voire d’herbes souillées, peut conduire à l’intoxication des équidés. Après ingestion, les chevaux peuvent rapidement présenter, entre autres, une atteinte nerveuse à l’origine de troubles du comportement pouvant mettre la vie du cheval en danger.
- Comment reconnaître le datura stramoine ?
- Milieu de vie du datura
- Quelles sont les circonstances d'intoxication au datura ?
- Quels sont les signes cliniques d'une intoxication au datura ?
- Quel traitement ?
- Quels sont les moyens de prévention ?
Comment reconnaître le datura stramoine ?
Le datura ou stramoine commune (Datura stramonium) est une plante herbacée annuelle à port dressé de la famille des Solanacées (Solanaceae) à l’odeur nauséabonde. Il mesure généralement entre 30 et 200 cm de haut.
Les feuilles
Le datura possède de grandes feuilles (jusqu’à 30 cm de long) à bords fortement et inégalement dentés, pointues en leur sommet, alternes (disposées alternativement de part et d’autre de l’axe de la tige) et glabres (sans poils). Elles sont de couleur vert foncé brillant sur leur face supérieure et vert mat plus clair sur leur face inférieure. La nervure principale est bien visible et saillante sur le dessous des feuilles, tout comme les nervures secondaires. Enfin, les feuilles sont pétiolées, c’est-à-dire munies d’un pétiole (pièce végétale reliant le limbe de la feuille à la tige).
Les fleurs
La floraison a lieu de juin à octobre, c’est-à-dire pendant l’été et jusqu’en début d’automne. Robustes, à surface lisse et ramifiées, les tiges florifères ont la particularité de se diviser en deux à chaque bifurcation (cette caractéristique peut aider à reconnaître la plante). Au niveau de ces bifurcations, des fleurs solitaires dressées d’une dizaine de centimètres de long se développent à l’aisselle des feuilles. Ces dernières présentent une forme de trompette et peuvent être de couleur blanche ou violette.
Les fruits
La fructification du datura a lieu de la fin de l’été (août-septembre) jusqu’à tardivement à l’automne (parfois jusqu’en novembre). Les fruits forment des capsules épineuses (semblables aux bogues des châtaignes et marrons) de forme ovoïde, d’environ 5 cm de de long, d’abord vertes puis brunes une fois arrivées à maturité, moment où elles s’ouvrent en 4 valves. Ces dernières renferment de nombreuses graines noires, réniformes (en forme de rein) et réticulées, mesurant de 2 à 4 mm.
Milieu de vie du datura
Le datura est une espèce végétale originaire du Mexique et du sud-ouest des États-Unis, qui a été introduite en Europe au XVIIème siècle. Aujourd’hui répandu en France, il est avant tout considéré comme une adventice (espèce indésirable) des champs cultivés, envahissant notamment les cultures céréalières (maïs, sorgho, sarrasin), oléo-protéagineuses (tournesol, soja) et maraîchères (haricots) récoltées à l’automne.
Cependant, la plante pousse spontanément dans divers milieux. Elle peut ainsi être retrouvée dans les prairies, zones abandonnées, décombres, friches, bords de routes/chemins… Elle affectionne les terrains fraîchement remaniés.
Si le Datura stramonium est présent à l’état sauvage ou spontané, le genre Datura (ou son proche parent Brugmansia) est cultivé dans les parcs et jardins, avec des variétés horticoles sélectionnées pour leurs corolles très colorées ou doubles voire triples, parfums agréables ou ports majestueux. Néanmoins, tous possèdent à des degrés divers la même toxicité et peuvent parfois s’échapper de leurs territoires de culture (Datura wrightii…). Enfin, la plante est parfois aussi semée dans les rangs de pomme de terre comme moyen de lutte biologique contre les larves de doryphores.
Quelles sont les circonstances d'intoxication au datura ?
Une plante toxique, mais peu attractive
Les daturas sont toxiques pour de nombreux mammifères, dont l’Homme et le cheval, ainsi que pour certains insectes. « Herbe du diable », « Herbe aux fous » ou encore « Herbe aux sorciers endormeuse »… les autres noms qui lui sont couramment donnés sont d'ailleurs assez évocateurs de sa toxicité.
La plante contient en effet des alcaloïdes - dont notamment la scopolamine et l’atropine - des substances toxiques à l’origine de troubles nerveux et cardiaques et qui paralysent les fibres musculaires lisses en cas d’ingestion, voire en transcutané, chez l'Homme et les équidés. Toutes les parties de la plante sont toxiques, mais la concentration en alcaloïdes est maximale au niveau de la tige, des feuilles et des graines.
La stramoine fraîche étant peu appétente du fait de son odeur désagréable, les chevaux n’en consomment normalement pas sur pied au pâturage, mais il arrive toutefois qu’ils s’intoxiquent dans des conditions particulières.
Une intoxication très souvent accidentelle
Si la plante fraîche est peu appétente, elle devient en revanche consommable une fois séchée dans les fourrages par exemple (perte des facteurs de répulsion).
L’intoxication a généralement lieu suite à l’ingestion accidentelle de fourrages ou d’aliments concentrés contaminés par des parties de la plante (notamment les feuilles et les graines) ou de graines / feuilles tombées dans l’herbe rase au pâturage.
Plus rarement, il peut parfois arriver que la plante fraîche soit consommée sur pied, par grapillage en cas de disette ou par désœuvrement lors d'ennui, dans les prairies abîmées, les jardins, au paddock ou encore lors de sorties en extérieur (balades, randonnées…).
Quels sont les signes cliniques d'une intoxication au datura ?
Les signes cliniques apparaissent très rapidement (en quelques heures) après ingestion. Leur gravité dépend de la quantité de substances toxiques ingérée, mais l’intoxication peut être mortelle.
Suite à l’ingestion de cette plante hallucinogène, le cheval va essentiellement manifester des troubles du comportement et une atteinte nerveuse, notamment avec des phases de dépression / endormissement entrecoupées de phases d’hyperexcitation / convulsions plus ou moins violentes suivant la quantité ingérée. Ces troubles nerveux entraînent des comportements à risque qui peuvent parfois conduire à une mise en danger potentiellement fatale pour le cheval.
En parallèle, d’autres signes cliniques peuvent être observés :
- Signes généraux : abattement, hyperthermie, sécheresse des muqueuses buccales et oculaires, mydriase (dilatation anormale de la pupille), polyurie-polydipsie (augmentation de l’émission d’urine et de la prise de boisson)
- Troubles cardiovasculaires : tachycardie (accélération de la fréquence cardiaque)
- Troubles respiratoires : tachypnée (accélération de la fréquence respiratoire)
- Troubles digestifs : constipation, atonie gastro-intestinale, parfois diarrhées et/ou coliques
L’exposition cutanée conduit souvent à une forme clinique atténuée par rapport à l’ingestion.
Quel traitement ?
Il n’existe actuellement pas de traitement spécifique disponible pour les équidés.
En début d’intoxication, un traitement symptomatique et éliminatoire peut être tenté, avec un lavage gastrique et administration de charbon activé ou d'huile de paraffine, associés à une fluidothérapie intraveineuse. L’administration d’un tranquillisant sédatif est conseillée pour limiter les troubles du comportement.
Quels sont les moyens de prévention ?
Le seul moyen pour limiter les risques d’intoxication au datura est la connaissance de la plante, visant à la maîtrise de l’environnement dans les infrastructures équestres et leur voisinage proche, ainsi que la vigilance des cavaliers et détenteurs d'équidés. La plante ne doit pas se trouver à la portée des chevaux. Pour cela :
- L’espèce étant invasive et très toxique aussi bien pour l'Homme que pour les animaux, il faut à tout prix proscrire la plantation de datura dans les territoires accessibles aux chevaux.
- Éliminer le datura là où il est présent. Pour cela, il existe différents moyens de lutte :
Lutte mécanique ⇒ S’il n’y a pas beaucoup de pieds, l’arrachage manuel est envisageable. Quand la plante a déjà bien colonisé le milieu, la coupe des tiges avant montée en graines permet de limiter la production de semences. Il s’agit toutefois d’une solution à court terme, car d’autres tiges ne tarderont pas à repousser avec de nouvelles fleurs. L’intervention devra donc souvent être répétée plusieurs fois dans une même année.
En cas d’invasion, il est parfois nécessaire d’avoir recours à la lutte chimique. Il s'agit alors de désherber le milieu en appliquant un traitement herbicide localisé « anti-dicotylédones ». En limitant l'usage des désherbants uniquement sur les zones ou plantes à traiter, le traitement localisé « plante par plante » est la meilleure technique, plus raisonnée.
Le contrôle de la production de graines est un point clé dans la lutte contre le datura, car la plante produit un important stock semencier, avec des graines qui restent viables plusieurs années dans le sol.
- Éviter au maximum de distribuer l’alimentation (fourrages, concentrés…) directement à même le sol (prévention contre les graines de datura, les samares d’érables et autres graines toxiques, mais aussi le pourrissement et les problèmes de mycotoxines).
- Toujours rester vigilant :
- Lors de sorties en extérieur (balade, randonnée…).
- Lors d’un changement de biotope (déménagement...).
- Bien informer et sensibiliser le public ⇒ faire connaître la plante et les risques qui y sont liés aux cavaliers et détenteurs de chevaux.
En savoir plus sur nos auteurs
- Nelly GENOUX Ingénieure agronome - ingénieure de développement IFCE
- Gilbert GAULT Docteur vétérinaire - Centre National d'Informations Toxicologiques Vétérinaires (CNITV) - VetAgro Sup, École Nationale Vétérinaire de Lyon
- Christel MARCILLAUD-PITEL Docteure vétérinaire - directrice du Réseau d’Épidémio-Surveillance en Pathologie Équine (RESPE)
- Laetitia LE MASNE Ingénieure de développement IFCE
Bibliographie
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