Les stéréotypies

Les stéréotypies ou « tics » sont des séquences de mouvements répétitifs et relativement invariants, sans but ni fonction évidente. Ces comportements sont développés en réponse au stress, à l’ennui, à la privation de contacts entre équidés, au manque de fourrage… Petit tour d’horizon de ces stéréotypies, et conseils pour les éviter vous attendent dans cette page.

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Par Léa LANSADE - Christine BRIANT - | 01.05.2017 |
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Stéréotypies orales


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Tic à l'appui sur mangeoire © A.C. Grison
Les stéréotypies les plus connues sont le tic à l’appui et le tic à l’air, mais il en existe une grande variété. Répétés inlassablement, ces tics sont qualifiés de « stéréotypies orales » car ils font intervenir la bouche. Vous pouvez voir des chevaux qui sortent leur langue sans arrêt et la bougent, d’autres qui la mâchent, d’autres qui la frottent sur un support, certains lèchent des objets de l'environnement sans arrêt, font claquer leurs lèvres en secouant la tête...


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Tic à l'appui sur porte de box © L. Marnay
Un cheval qui tique à l’appui saisit des objets fixes avec ses incisives et tire en arrière en contractant les muscles de l'encolure et en émettant un bruit rauque caractéristique qui correspond au passage de l’air dans l’œsophage. Un cheval qui tique à l’air prend la même posture d’encolure et fait le même bruit sans prendre appui.

Ces comportements ont été associés à différents problèmes de santé incluant notamment une usure excessive des dents et une difficulté à maintenir un poids constant. Contrairement à une idée reçue, des radios montrent que le cheval n’avale pas d’air au cours de ce tic mais qu'il distend fortement son œsophage à ce moment là.


Il a été suggéré que le tic à l’appui ou le tic à l’air pourraient augmenter l’écoulement de salive et réduire l’acidité gastrique associée à une nourriture à base de concentrés. La salive a un effet tampon sur l’acidité de l’estomac. L’importance des ulcères gastriques chez les chevaux avec une alimentation rationnée (peu de foin et beaucoup de concentrés) est maintenant reconnue : 82% des chevaux de course présentent des lésions ainsi que 51% de poulains pur-sang de moins de 3 mois.
Le lien potentiel entre ces stéréotypies et la présence d’ulcères est suggéré sur la base de plusieurs études. Celles-ci ont montré que l'administration d'antiacides améliorait l'état de l'estomac et réduisait la fréquence du tic, qui survient après le repas (pendant la digestion). De plus, l’apparition de ces 2 pathologies est clairement liée au stress ressenti par les individus. Ainsi, certains chevaux et certaines races développent plus d’ulcères, de tics ou font plus de coliques que d’autres car ils sont plus stressés.

Stéréotypies locomotrices

Le tic de l’ours et l’encensement sont deux stéréotypies locomotrices fréquentes.

Dans le cas du tic de l’ours, le cheval déporte son poids d’un antérieur sur l’autre, ce qui crée un « balancement ». Les chevaux tiquent généralement à l’ours devant la porte de leur box.

L’encensement est la succession de mouvements violents de la tête de bas en haut. Attention, il peut également s'agir d'une pathologie locomotrice dont l'origine est tout à fait différente.

Le tic déambulatoire est une autre stéréotypie locomotrice : le cheval tourne inlassablement dans son box.

Facteurs de risque d'apparition de stéréotypies

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L'impact du mode de sevrage sur le risque d'apparition de stéréotypies est considérable © A. Laurioux
De nombreuses études épidémiologiques ou expérimentales ont identifié des pratiques dans l’entretien des chevaux qui sont associées à l’existence de comportements anormaux. Ces facteurs incluent :

  • Des quantités journalières de fourrage trop faibles (moins de 6,8kg chez les chevaux de course) associées à des quantités importantes de concentrés ;
  • Une conception d'écurie limitant la communication entre chevaux ;
  • La restriction des mouvements (cheval au box) ;
  • L’appauvrissement du milieu (pas de stimulation sensorielle).

D'autre part, l’impact du sevrage est considérable. En effet, il s’agit d’un moment particulièrement stressant pour le jeune, lié à de nombreux changements tels que la rupture brutale du lien avec sa mère, un changement de régime alimentaire, un nouveau logement, un nouveau groupe social et souvent une augmentation des contacts avec l’humain. Une étude à long terme a montré que les poulains qui développent le tic à l’appui l’expriment en moyenne dès l’âge de 20 semaines. Les auteurs soulignent qu’après le sevrage, les poulains auxquels on donne des concentrés sont plus sujets à développer le tic à l’appui que ceux qui n’ont pas de concentrés.
Bien qu’un apport de concentrés puisse aider le poulain d’un point de vue nutritionnel, il pourrait aussi compromettre la santé de la muqueuse gastrique et aurait du mal à supplanter le besoin comportemental de téter. La grande motivation à téter pourrait faciliter l’apparition du tic à l’appui.

La restriction de mouvements pourrait aussi être à l’origine de certains comportements comme tourner en rond dans le box. Une étude montre que les chevaux qui sont sortis quotidiennement au travail sont explosifs au paddock le week-end, tandis que des chevaux autant travaillés, mais sortis en plus chaque jour en liberté, sont calmes au paddock. Ce besoin de mouvement pourrait donc se manifester également sous la selle, au détriment de la sécurité du cavalier.

Traitement et prévention des stéréotypies

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Distribuer une bonne quantité de fourrage est essentiel pour éviter les tics © A.C. Grison
Empêcher le cheval de tiquer est néfaste (induction de stress, effet rebond à l'arrêt) et ne solutionne pas le problème. De plus, certains chevaux développent d’autres tics si on les empêche de réaliser le leur, par exemple ils se mettent à secouer sans arrêt la tête. Il vaut mieux laisser faire, chercher les causes de ce comportement et les supprimer dans l’espoir que le tic cesse. Les chances de réussite sont plus grandes avec le tic de l’ours qu’avec le tic à l’appui.

Distribuer une bonne quantité de fourrage est essentiel pour prévenir les stéréotypies, tout comme favoriser les contacts entre les chevaux vivant au box.

Le tic à l’appui ayant tendance à se développer chez les poulains au sevrage, il faut améliorer les conditions de sevrage pour amoindrir ce stress (à l’origine d’ulcères). Par exemple, mettre un adulte calme à pâturer avec le groupe de jeunes juste sevrés peut être un bon moyen de limiter le stress des poulains. De même, les régimes des poulains doivent être très riches en fibres.


Quant aux chevaux adultes qui tiquent à l’appui, le propriétaire doit maximiser le temps de pâturage et la quantité de fibres dans les rations. Il incite son cheval à mastiquer plus longtemps : le cheval ainsi occupé à manger ne recherche pas d’activité de substitution et a ainsi moins de risque de développer un tic. De plus, la mastication permet de réduire l’acidité gastrique. Malheureusement, la restauration d’un régime alimentaire à base de fibres ne résout pas toujours ce type de problème. Il serait ainsi recommandé de voir si les chevaux qui tiquent à l’appui ou à l’air ne présentent pas des ulcérations gastriques. Si une ulcération existe, des médicaments peuvent être donnés dans la ration et l’ajout à la ration d’huile de maïs peut être préconisée.

Pris dès son émergence, ce comportement peut disparaître. Il peut cependant persister malgré les efforts faits pour le supprimer, particulièrement chez les chevaux qui le pratiquent depuis longtemps. En effet, on suppose que le cheval éprouve un certain apaisement à le faire et donc continue pour cette raison. Il faut alors l’accompagner pour éviter que ce comportement ne détériore sa santé (perte de poids, dents abîmées…). La surface sur laquelle le cheval prend appui ne doit pas lui abîmer les dents, il faut donc mettre du cuir ou du bois.

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Permettre le contact entre chevaux au box réduit l'expression de tics © C. Soler
Pour des chevaux qui ont le tic de l’ours, il a clairement été montré qu’augmenter la possibilité de contacts diminue, voire fait disparaître, ce tic. Les chevaux qui encensent au box le font également moins si la possibilité de contacts sociaux est accrue. Certains chevaux sont également extrêmement agités s’ils se retrouvent seuls, allant parfois jusqu’à se blesser dans leur box. La possibilité d’être avec des congénères résout ce problème. Pour que ces chevaux supportent les séparations, il faudra leur apprendre progressivement.


Le manque de contacts sociaux est également suspecté chez les chevaux qui manifestent des comportements agressifs excessifs envers leurs congénères, comme tenter de mordre chaque cheval qui passe devant leur box ou, monté, de ruer à l’approche d’un autre cheval.

S’il n’est pas possible de permettre le contact avec les congénères, des miroirs peuvent être disposés dans le box. Ils simulent la présence d’un congénère et contribuent à diminuer l’importance du tic. Leur effet dure au moins plusieurs semaines, et peut même être permanent pour certains chevaux.

Enfin, il faut toujours garder à l'esprit qu'une stéréotypie détectée à son début sera moins difficile à supprimer.

En savoir plus sur nos auteurs
  • Léa LANSADE Ingénieure de recherche en éthologie IFCE-INRAE
  • Christine BRIANT Docteure vétérinaire - ingénieure de projets & développement « Bien-être des équidés » IFCE
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 07 05 2024

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