Planifier l'entraînement du cheval

Clé de la réussite et du renouvellement de la performance, la planification de l’entraînement est hélas souvent peu formalisée par les cavaliers et les entraîneurs. Elle est pourtant essentielle pour apporter toute la cohérence nécessaire à la préparation du cheval et du cavalier en fonction des objectifs et du niveau d’évolution. La saison sportive s’articule généralement sur une ou plusieurs séquence(s) selon des objectifs majeurs. L’organisation globale de cette planification peut être généralisée à tous les niveaux et dans bien des cas, systématisée à tous les chevaux. Celle que nous allons développer dans cette fiche pourra être adaptée en fonction de vos conditions et contraintes.

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Par Guy BESSAT - Patrick GALLOUX - Philippe MULL - | 08.11.2017 |
Niveau de technicité :
Matthieu Van Landeghem et Trouble Fête en cross © P. Chevalier
Sommaire

Introduction

L’entraînement est un amplificateur de capacités qui vise à obtenir la meilleure performance du couple cavalier-cheval par l’amélioration de ses qualités physiques, physiologiques, techniques, tactiques et mentales. Il permet non seulement de supporter les sollicitations intenses de la compétition, mais aussi d’augmenter les charges d’entraînement, en récupérant mieux et de façon durable. Contrairement à une idée répandue en équitation, bien pensé, il contribue à la préservation de la santé de l’athlète.

Dans la programmation et la planification de l’entraînement, l’entraîneur doit veiller  :

  • À la progressivité de la préparation selon les périodes (macrocycles) et les cycles,
  • À l’équilibre du travail dans chaque microcycle et à la succession cohérente des séances,
  • À la bonne gestion des temps de récupération.

Dans le temps consacré à la préparation, imposé par la saison de compétition, il est donc impératif de planifier l’entraînement et de composer pour chaque période, cycle et microcycle un programme cohérent en phase avec les objectifs définis. C’est le moyen de pouvoir :

  • S’entraîner de façon construite,
  • Contrôler son travail,
  • Évaluer son niveau de préparation,
  • Ajuster régulièrement et efficacement les charges de travail,
  • Établir un bilan en fin de saison en comparant les résultats avec les précédents, en relevant ce qui a fonctionné ou au contraire été un frein ou un échec,
  • Préparer le ou les nouveaux objectifs sur les meilleures bases.

Programmer et planifier votre entraînement

Programmer sa préparation ou l’entraînement

C’est évaluer les moyens à mettre en œuvre pour organiser et se projeter dans l’avenir après avoir défini des objectifs réalisables pour le couple cavalier cheval. « Savoir d’où on part, où on va et vers quoi on veut tendre ».

Planifier l’entraînement

C’est rendre opérationnelle la programmation. Pour organiser un travail régulier, suivi et progressif, il est essentiel de l’aménager en fonction de la période d’entrainement, en déterminant certains paramètres comme la fréquence, la régularité, l’intensité et le volume d’entraînement que vous souhaitez mettre en place.

  • La fréquence et la régularité : Des progrès peuvent rapidement apparaitre dans tout registre de travail avec 2 séances hebdomadaires au minimum… mais également, très vite disparaitre à la suite d’un arrêt de l’entrainement d’une ou deux semaine(s) !
  • L'intensité :  Cette notion renvoie au pourcentage de puissance ou au niveau d'effort consenti. Elle est en relation directe avec la sollicitation des filières énergétiques. Plus elle est importante, plus la durée de l’exercice doit être réduite et inversement.
  • Le volume (quantité) : Un des points essentiels de l’entraînement est son dosage. En général, on l’augmente progressivement en multipliant le nombre de séries, d’exercices donc de répétitions ou de séances.

Dès lors que vous aménagez ces paramètres, vous entrez dans la planification et la programmation, indispensables si vous avez des objectifs clairs.

Comment planifier l'entraînement ?

Quel que soit le sport, et pour ce qui nous concerne en équitation, l’entraînement pour être cohérent, doit être organisé dans le temps en fonction des objectifs. Ainsi une saison peut se préparer sur 1, 2, 3 voire 4 séquences (difficilement plus), chacune étant scindée selon un même schéma : la présence de 4 grandes périodes dites de :

  • Développement : En principe la plus longue (50% environ du temps d’entraînement ou de la séquence). Eloignée des objectifs, elle s’appuie sur une quantité de travail importante. Le cheval et le cavalier acquièrent les bases foncières indispensables au bon déroulement de la saison. Les séances sont plutôt longues (+ de volume / quantité) mais peu intenses (- de qualité / intensité) / travail des techniques et de préparation générale (PPG).
  • Pré-compétition ou pré-concours : C’est une période de transition entre celle de « développement » et celle de « compétition » (30% environ du temps d’entraînement ou de la séquence). On va plus vers l’explosivité et la puissance. Les séances sont un peu plus courtes (- de volume / quantité) mais plus intensives et plus techniques (+ de qualité / intensité) / travail des techniques et de préparation plus spécifique (PPS).
  • Compétition ou concours : Période d’« affûtage » (10 à 15% environ du temps d’entraînement ou de la séquence), elle est le résultat de tous vos efforts et l’expression des acquis. Si l’entraînement a été correctement conduit, elle doit vous permettre de faire coïncider vos « pics de forme » à « l’objectif ». Les séances sont plus courtes (peu de volume / quantité) avec des intentions et une intensité proches de celles de la compétition (beaucoup de qualité / intensité) / travail très spécifique. Cette période débouche toujours sur un « concours objectif ».
  • Transition ou régénération : Période en fin de séquence ou de saison, durant laquelle l’organisme récupère des efforts consentis après un objectif important ou après les objectifs principaux de la saison (5 à 10% environ du temps d’entraînement ou de la séquence). Dans un premier temps cette régénération physique et psychique peut passer par un repos complet (activité sans contrainte physique particulière) qui va durer de 3 jours à 3 semaines maximum. Puis la transition redevient progressivement active pour relancer une nouvelle séquence, un nouvel objectif ou la saison suivante.

Cette planification simple de l’entraînement est indispensable pour vous prémunir du sous-entrainement ou au contraire du surentraînement, voire de certaines blessures.

planification pour la préparation d’un objectif avec périodes, cycles, microcycles et alternance travail / repos relatif.
Graphique 1 : planification pour la préparation d’un objectif avec périodes, cycles, microcycles et alternance travail / repos relatif.


planification en 2 séquences sur une saison à 2 objectifs / périodes, cycles et microcycles avec une alternance travail / repos relatif.
Graphique 2 : planification en 2 séquences sur une saison à 2 objectifs / périodes, cycles et microcycles avec une alternance travail / repos relatif.


Lorsque ce schéma général est défini, il ne reste qu’à organiser chaque composante de l’entrainement en faisant progresser les charges pour chacune d’elles, dans les microcycles et cycles successifs en respectant toujours l’alternance travail / repos.

Organisation du travail dans la planification

La progression

La programmation de l’entraînement débute dès la remise au travail en fin de période de transition ou de régénération et s’achève par la période de régénération et/ou de repos qui suit le ou les objectifs principaux (OP) ou la fin de saison.
Dans le modèle que nous proposons, qui comme nous l’avons dit peut-être aménagé, chacune des périodes est associée à une durée et un type de travail particulier, construit et progressif autour des trois grandes composantes de volume, d’intensité et de récupération. Elle est séquencée en cycles (d’un mois par exemple) et microcycles (d’une semaine par exemple) (cf graphiques 1 et 2).  Ils permettent d’élever progressivement le volume et l’intensité de travail, le niveau de condition physique donc de performance et de faire coïncider le ou les pics de forme à ou aux objectifs, en alternant travail et repos relatif.

Cycles et microcycles

Chaque cycle est la déclinaison du travail prévu dans la période. Chaque microcycle dans le cycle est le marqueur de progression du volume et de l’intensité prévue. Les charges de travail doivent être cohérentes les unes par rapport aux autres (cf fiche « évaluer la charge d’entraînement »).

Dans l’exemple ci-dessous nous avons choisi des cycles incluant 3 microcycles de progression pour 1 de Repos Relatif (RR). Ce dernier est un microcycle de régénération cumulant un travail moindre correspondant à la charge du 1er microcycle ------ (ligne discontinue rouge -cf graphique 3)

La reprise du cycle suivant s’effectuera à une charge de travail correspondant à celle du 2ème microcycle précédent  ------  ((ligne discontinue bleue - cf graphique 3)

Si la période est longue (plus de 3 mois), elle peut être coupée en 2. Par exemple dans la période hivernale, on peut faire le choix d’une période de « développement 1 » (basée essentiellement sur le travail technique de fond, le développement des capacités foncières, la PPG) et d’une seconde période de « développement 2 » (basée sur un travail plus spécifique en augmentant l’intensité sur le volume). Ces 2 périodes peuvent être entrecoupées de compétition indoor, d’un stage intensif… (cf graphique 3).

exemple d’organisation sur une période de développement longue (coupée en 2) de 5 cycles (3 + 2), de 4 microcycles chacun dont 1 de repos relatif (RR) permettant d’alterner travail et repos. Progression régulière des charges de travail.
Graphique 3 : exemple d’organisation sur une période de développement longue (coupée en 2) de 5 cycles (3 + 2), de 4 microcycles chacun dont 1 de repos relatif (RR) permettant d’alterner travail et repos. Progression régulière des charges de travail.


Deux exemples d’organisation de périodes de « pré-compétition » et « compétition » sont présentés respectivement en graphique 4 et 5.

exemple d’organisation sur une période de Pré-compétition (Pré-concours) de 2 cycles de 4 microcycles chacun dont 1 de repos relatif (RR) permettant d’alterner travail et repos. Diminution de la charge de travail mais intensité supérieure en respectant l’alternance travail / repos).
Graphique 4 : exemple d’organisation sur une période de Pré-compétition (Pré-concours) de 2 cycles de 4 microcycles chacun dont 1 de repos relatif (RR) permettant d’alterner travail et repos. Diminution de la charge de travail mais intensité supérieure en respectant l’alternance travail / repos.
exemple d’organisation sur une période de Compétition (Concours) de 1 cycle de 4 microcycles dont 1 de repos relatif (RR) permettant d’affûter le cheval travail et repos. Diminution de la charge de travail mais intensité supérieure en respectant l’alternance travail / repos. La période compétition se termine toujours par un concours objectif.
Graphique 5 : exemple d’organisation sur une période de Compétition (Concours) de 1 cycle de 4 microcycles dont 1 de repos relatif (RR) permettant d’affûter le cheval travail et repos. Diminution de la charge de travail mais intensité supérieure en respectant l’alternance travail / repos. La période compétition se termine toujours par un concours objectif.


Le travail, l’alternance judicieuse des séances et l’augmentation de la charge et/ou de l’intensité dans chaque microcycle, améliorent progressivement les aptitudes en diminuant les effets de la fatigue (cf graphique 6). Néanmoins, ce phénomène de « surcompensation » n’est pas possible indéfiniment. On considère qu’après 3 microcycles de progression des charges et/ou de l’intensité, il est essentiel de respecter une période de Repos Relatif qui permettra de régénérer le métabolisme mais également de bonifier les effets de l’entraînement précédent pour mieux repartir sur le cycle suivant.

l’entraînement favorise ces phases de surcompensation liées à l’effet dominant du gain d’aptitudes. L’effet fatigue diminue progressivement plus rapidement. Mais ce phénomène n’est pas illimité d’où l’utilité d’alterner les microcycles de travail avec 1 microcycle de Repos Relatif.
Graphique 6 : l’entraînement favorise ces phases de surcompensation liées à l’effet dominant du gain d’aptitudes. L’effet fatigue diminue progressivement plus rapidement. Mais ce phénomène n’est pas illimité d’où l’utilité d’alterner les microcycles de travail avec 1 microcycle de Repos Relatif.

Conclusion

© G. Bessat

Une planification est la déclinaison d’une programmation de l’entraînement, démarche intellectuelle que tout coach ou cavalier devrait conduire en début de saison après l’analyse des critères de la performance et du bilan du couple sur la saison précédente.

Débuter une saison sans objectif précis et sans programmation est une démarche aléatoire et hasardeuse. Une planification du travail sur la saison est indispensable à un entraînement raisonné ; c’est un schéma d’organisation qui doit à tout moment être ajusté à partir du travail effectué et des mesures objectives des effets de l’entraînement.


Une programmation sans un suivi quasi quotidien dans un « cahier d’entraînement » n’est qu’un exercice théorique dont l’intérêt restera limité.

La tendance fréquente en équitation, notamment en concours complet, de pondérer les séances intenses voire de les supprimer, pour ne pas fatiguer le cheval est une erreur. Elle altère les qualités de base et conduit à mettre en difficulté les chevaux en leur faisant subir en compétition, des contraintes extrêmes auxquelles ils n’ont pas été préparés à l’entraînement. Le travail est la seule source de progression. Mais au travers de la programmation, il doit être raisonné, dosé, progressif et surtout objectivé.

Il ne peut y avoir développement et amélioration de la performance sans travail, sans fatigue et donc sans récupération. La gestion des phases de récupération et de l’alternance avec le travail, est un point clé de la programmation de l’entraînement.

S’entraîner c’est donc prendre soin :

  • D’individualisation des paramètres d’entraînement,
  • De définir les objectifs préalables pour chaque séance,
  • De veiller à la qualité du travail et à l’élimination des situations « inutiles » ou « nuisibles »,
  • De favoriser le travail technique et physique selon les objectifs,
  • De varier continuellement les situations en accord avec la planification,
  • De rapprocher le geste pratiqué à l’entraînement avec celui de la compétition,
  • D’alterner des phases d’effort et de récupération et de veiller à la qualité du repos,
  • De développer également les capacités mentales et de motivation.
En savoir plus sur nos auteurs
  • Guy BESSAT (BEES 3 Athlétisme, préparateur physique de cavaliers, consultant à l’ENE de Saumur pour la mise en place du suivi de la condition physique)
  • Patrick GALLOUX IFCE - Phd, BEES 3 Équitation, ancien Écuyer du Cadre noir de Saumur, Inspecteur de la Jeunesse et des Sports (HC)
  • Philippe MULL ifce - BEES 2 Equitation, Ecuyer du Cadre noir et entraîneur du Pôle France jeune de concours complet

Bibliographie

  • GALLOUX P. ; BESSAT G. (2018) : L’entraînement du couple cheval de sport / cavalier. Ifce, 252 p.
  • BESSAT G. ; AUDIBERT E. (2017) : Le cavalier, ce sportif qui s’ignore tant – la condition physique, la clé de sa réussite (fiches de travail et exercices adaptés aux cavaliers de tous niveaux) bessatguy(at)gmail.com
  • GALLOUX P. (2011) : Concours complet d’Equitation. Belin, 234 p.
  • GALLOUX P. (1991) : Contribution à l’élaboration d’une planification de la préparation énergétique du cheval de concours complet (thèse de doctorat). Poitiers
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 10 05 2024

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