Cheval et agroécologie
À l’heure du développement durable, l’agroécologie est une des voies retenues pour améliorer la performance environnementale, économique et sociétale de l’agriculture en valorisant les processus naturels et écologiques et la diversité biologique. Les élevages et les entreprises utilisant le cheval peuvent s’inscrire dans cette démarche en adoptant différentes pratiques, à combiner entre elles et à adapter à leurs conditions spécifiques (structure de l’entreprise, environnement naturel et économique…).
- Qu'est-ce que l'agroécologie ?
- Pourquoi et comment s'inscrire dans une démarche agroécologique ?
- Les pratiques pouvant soutenir une démarche agroécologique
- Les contraintes de l'agroécologie
Qu'est-ce que l'agroécologie ?
L’agroécologie est une façon d’organiser le (les) système(s) de production d’une exploitation agricole, d’une entreprise, mais aussi d’un territoire de façon :
- à réduire les pressions sur l’environnement (gaz à effet de serre, engrais de synthèse, produits phytosanitaires... ) ;
- à préserver les ressources naturelles (eau, énergie, éléments minéraux…) et la biodiversité (espèces cultivées, domestiques ou sauvages...).
Pour cela, les systèmes naturels de production et de régulation biologique vont être utilisés et développés en s’assurant de maintenir leurs capacités de renouvellement. La diversité et la complémentarité des ressources vont être recherchées.
Par exemple, plutôt que d’appliquer des protocoles d’administration systématique d’antiparasitaires, on va favoriser la résistance des chevaux adultes aux parasites et on va chercher à casser le cycle de ceux-ci par une bonne gestion des parcelles de pâture. Les traitements antiparasitaires seront réservés aux seuls chevaux infestés, détectés par des coprologies.
Plutôt que d’acheter des aliments industriels (dont la production et le transport ont été coûteux en énergie), on va maximiser l’utilisation des prairies : pâturage tournant, prairies riches en légumineuses pour diminuer les engrais azotés...
L’agroécologie ne consiste pas à appliquer des pratiques vertueuses types prises isolément. Comme l’illustrent les deux exemples précédents, ces modes écologiques de production et de régulation interagissent l’un sur l’autre. La régulation de la pression parasitaire est intimement liée à la gestion des pâtures qui l’est elle-même avec la gestion de l’alimentation des chevaux.
Les pratiques doivent aussi être adaptées aux conditions de l’exploitation et peuvent nécessiter des expérimentations par l’éleveur. C’est pourquoi l’agroécologie demande en général une re-conception globale du système de production pensée comme une approche systémique : les pratiques agricoles interagissent entre elles mais aussi avec l’écosystème écologique et socio-économique de l’entreprise.
Pourquoi et comment s'inscrire dans une démarche agroécologique ?
L’agriculture a un impact fort sur l’environnement. Par exemple, sa part dans l’émission de gaz à effet de serre (GES) au niveau national est de 19%. Dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone, elle doit être abaissée de 12% en 2029 par rapport à 2013, et de 50% en 2050. L’agroécologie est une des voies retenue par le Ministère de l’agriculture pour réduire fortement cet impact, avec une ambition de la moitié des exploitations engagées dans une démarche agroécologique en 2025.
L’agroécologie doit permettre de faire face aux enjeux environnementaux tout en améliorant la performance sociale (impact sur la santé, conditions de travail...) et économique des entreprises (réduction des achats d’intrants, amélioration de la qualité des produits et donc des prix de vente, diversification des productions permettant une meilleure robustesse économique…).
L’engagement dans l’agroécologie peut être limité ou fort :
- Adaptation de quelques pratiques pour réduire les intrants (réduction des pesticides et apports d’engrais optimisés, modulation des traitements en fonction de chaque cheval comme la vermifugation raisonnée…) ;
- Substitution des intrants chimiques par des intrants d’origine biologique et des techniques de culture ou d’élevage ;
- Re-conception des systèmes par la diversification de production (complémentarité des espèces cultivées et élevées, agroforesterie…) et au niveau territorial (organisation des paysages, haies…).
Les pratiques pouvant soutenir une démarche agroécologique
Les pratiques pouvant être mises en place peuvent être spécifiques à la filière cheval ou transverses à l’agriculture. Le concept d’agroécologie a été pensé dans le cadre de l’agriculture, mais il peut être étendu aux utilisations du cheval, notamment à travers son approche systémique.
Pratiques | Effet environnemental (En) ,sociétal (So) et économique (Ec) | Fiches techniques correspondantes |
---|---|---|
Contrôler le parasitisme en utilisant les résistances naturelles des animaux, en cassant les cycles des parasites et ne traiter que les seuls chevaux en ayant besoin au bon moment | En : limiter les résistances des parasites aux antiparasitaires, limiter les exports néfastes dans l’environnement des antiparasitaires Ec : diminution des coûts des traitements antiparasitaires | Impact des antiparasitaires sur l’environnement Vermifugation raisonnée Importance des mesures sanitaires et des pratiques d'élevage dans le contrôle du parasitisme |
Augmenter la part de l’herbe pâturée ou des fourrages dans l’alimentation du cheval par le pâturage tournant, le pâturage ou la récolte au bon stade, l’amélioration de la qualité du fourrage, l’obtention d’une bonne diversité floristique des prairies | En : diminution des transports des aliments (concentrés et fourrages) générateurs de gaz à effet de serre (GES), augmentation de la biodiversité Ec : diminution des frais vétérinaires générés par des rations trop riches en concentrés, diminution des achats d’aliments So : amélioration du bien-être des équidés, entretien de l’espace rural et préservation des espaces herbagers | Pâturage tournant ou continu pour les prairies destinées aux chevaux Nourrir le cheval de sport avec des fourrages Un fourrage de qualité : jusqu'à 50% d'économie sur la ration Valoriser l'herbe au bon stade par les chevaux Impact du pâturage équin sur la diversité floristique Utilisation, entretien et préservation des espaces herbagers par le cheval |
Réduire l’empreinte environnementale des équipements | En : réduction de la consommation d'énergie fossile avec des bâtiments basse consommation, diminution de la consommation d’eau par la récupération des eaux pluviales, la diminution de l’arrosage des sols de travail, implantation des établissements accueillant du public à proximité des centres urbains pour limiter les déplacements (GES), production d’énergie renouvelable (photovoltaïque) Ec : réduction des coûts, vente d’énergie | Des équipements équestres Eco-Responsables |
Compostage du fumier : transformation naturelle en un produit stable et inodore utilisé en tant qu’amendement et fertilisant, plus facile à épandre et plus assimilable que le fumier brut | En : diminution de l’apport d’engrais de synthèse, amendement organique améliorant la structure du sol, diminution des exports gazeux (CO2, CH4, NH3 et NO2) par rapport au stockage et épandage de fumier, hygiénisation des fumiers, réduction des GES liés au transport si évacuation du fumier Ec : réduction des coûts d’achat de fertilisants, meilleure production des prairies permettant de réduire l’achat d’aliments concentrés | Le compostage du fumier : mode d'emploi Hygiénisation du fumier au cours du compostage |
Méthanisation : processus de fermentation des fumiers produisant du méthane utilisé pour produire de l’énergie (électricité, chaleur) et un digestat utilisable comme amendement organique | En : production d’énergie renouvelable, diminution des exports gazeux (CO2, CH4, NH3 et NO2) par rapport à l’utilisation du fumier | Méthanisation |
Le cheval au travail pour le débardage, la viticulture ou le maraîchage Le cheval au travail en zone urbaine pour le transport des déchets, l’entretien des espaces verts, le transport de touristes... | En : réduction de l’émission de CO2 par rapport à l’utilisation d’engins thermiques (à voir au cas par cas), préservation de la structure des sols So : recréation du lien homme-animal en ville, diminution des nuisances (bruit...) Ec : diminution des coûts induits par la détérioration des sols (baisse de production ou travaux de remise en état), élément d’une démarche « signe de qualité » (Bio...) permettant de vendre plus cher les produits | Utilisations du cheval territorial en zone rurale |
Ré-intégrer l’arbre dans les systèmes agricoles (haies et agroforesterie) | En : qualité de l’air, stockage de carbone, augmentation de la biodiversité, amélioration de la qualité des sols, diminution de la pression phytosanitaire So : amélioration du bien-être des chevaux (abris) Ec : diminution des coûts d’alimentation par la meilleure valorisation de l’herbe, rentabilité globale favorisée par la diversification économique | Réintégrer l’arbre dans les systèmes agricoles |
Conduite des cultures : optimiser la fertilisation azotée, techniques culturales simplifiées, cultures intermédiaires, introduction de légumineuses... | En : atténuation des émissions de GES, réduction de l’utilisation d’énergie fossile, amélioration de la qualité de l’eau et de l’air, stockage de carbone dans le sol, augmentation de la biodiversité, amélioration de la qualité des sols Ec : réduction des coûts des intrants | Optimiser la fertilisation azotée Techniques culturales simplifiées Introduire des cultures intermédiaires Cultiver des légumineuses |
Les contraintes de l'agroécologie
L’agroécologie demande une maîtrise technique bien plus forte qu’en agriculture / élevage conventionnel. Il ne s’agit pas d’appliquer des « recettes prêtes à l’emploi » mais de comprendre les principes des pratiques et de les adapter au système de production de l’exploitation. Il convient de se former et de participer, s’ils existent, aux réseaux (notamment locaux) les mettant en œuvre.
Les connaissances disponibles sur sa mise en œuvre et les retours d’expériences restent limités à ce jour, sa mise en œuvre comporte donc une part de risque plus importante qu’en conventionnel.
Il est préférable de faire une transition progressive pour permettre l’expérimentation et l’adaptation aux conditions spécifiques de l’exploitation et de l’environnement écologique et socio-économique. Le taux de retour vers une agriculture conventionnelle est plus fort chez les exploitants ayant fait une transition brutale que chez ceux ayant fait évoluer leur système de production graduellement.
En savoir plus sur nos auteurs
- Hubert DE CADOLLE Chargé de mission - Ifce
Bibliographie
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- MINISTERE DE L’AGRICULTURE ET DE L’ALIMENTATION. Agro-écologie : éléments de définition et concept. In site du Ministère de l’agriculture et de l’alimentation [en ligne]. Disponible sur : agriculture.gouv.fr/sites/minagri/files/concept-agroecologie.pdf, consulté le 17 septembre 2018.
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- THOMAS M., FORTUN-LAMOTHE L., JOUVEN M., TICHIT M., GONZÁLEZ-GARCÍA E., DOURMAD J.Y. et
DUMONT B., 2014. Agro-écologie et écologie industrielle : deux alternatives complémentaires pour les systèmes d’élevages de demain. INRA Prod. Anim., 27, pages 89-100.