L'assurance responsabilité civile du gardien d'équidés

Lorsqu’un accident se produit et qu’un cheval cause un dommage à un tiers (dommage matériel ou corporel), la victime est amenée à rechercher la responsabilité civile du gardien du cheval à l’origine du dommage afin d’obtenir réparation de son préjudice.

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Par Claire BOBIN - Laurie BESSETTE - | 31.03.2021 |
Niveau de technicité :
cheval cob au pré © A. Bassaler
Sommaire

Base légale et règlementaire

  • Article 1243 du code civil
  • Articles L321-1 et suiv. du code du sport
  • Articles 1927 et suiv. du code civil

La définition et le mécanisme de responsabilité du gardien d’équidés

Juridiquement, le gardien est celui qui dispose, au moment des faits, des pouvoirs de direction, d’usage et de contrôle sur le cheval (définition donnée par la Cour de cassation, chambres réunies, dans son arrêt FRANCK du 02 décembre 1941).

Une même personne peut à la fois avoir les qualités de propriétaire et de gardien du cheval, mais cela n’est pas systématique. Le propriétaire de l’animal est présumé en être le gardien. S’agissant d’une présomption simple, celui-ci pourra rapporter la preuve, qu’au moment des faits, il n’avait pas la garde effective de l’animal et qu’il n’était donc pas responsable des dommages causés par ce dernier.

Il devra alors prouver que s’est opéré ce que l’on appelle un transfert de garde. C’est le cas lorsque le propriétaire du cheval l’a confié à un tiers par le biais d’un contrat de dépôt salarié (contrat de pension), d’un contrat de soins (conclu avec un vétérinaire, maréchal-ferrant…), d’un contrat de transport, d’un contrat de location ou encore d’un contrat de demi-pension etc.

En ce qui concerne le prêt d’un équidé, les juges apprécieront, selon les circonstances de fait, s’il y a eu ou non transfert de garde à l’égard de l’emprunteur.

Si le cheval a fait l’objet d’un vol, il y a également eu transfert de garde.

Le gardien peut ainsi être :
    • Une personne distincte du propriétaire du cheval.
    • Une personne physique ou morale (société ou association par exemple).

Une fois le gardien identifié, le tiers, victime du dommage, pourra demander réparation de son préjudice sur le fondement de l’article 1243 du code civil qui énonce : « Le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé ».

ll s’agit d’un régime de responsabilité délictuelle, dit sans faute, donc plutôt protecteur pour la victime puisque cette dernière n’aura pas besoin de prouver qu’une faute a été commise dans la garde de l’animal. Elle devra seulement démontrer qu’elle a subi un dommage et que c’est bien le fait du cheval qui en est à l’origine.

La force majeure est une hypothèse dans laquelle le gardien ne sera pas considéré comme responsable du dommage et donc pas tenu d’indemniser la victime. De même, une faute de la victime ou le fait d’un tiers peut conduire à exonérer de sa responsabilité, en tout ou partie, le gardien du cheval à l’origine du dommage.

Les conséquences d’un accident causé par un cheval peuvent s’avérer relativement importantes pour le gardien de ce dernier. Par exemple, dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Poitiers le 4 décembre 2013, un automobiliste ayant percuté un cheval en divagation sur une départementale décède sur le coup. Le propriétaire et gardien du cheval au moment des faits est jugé responsable de l’accident et condamné à verser plus de 86 000 € à la famille du défunt au titre du préjudice moral et du paiement des frais d’obsèques.

Il apparaît indispensable pour tout gardien d’équidé, qu’il soit particulier ou professionnel, de souscrire une assurance responsabilité civile. Le gardien non assuré devra personnellement réparer les dommages causés par son cheval.

L’assurance responsabilité civile du gardien non professionnel

Ici, le gardien du cheval est le propriétaire, le locataire, le demi-pensionnaire du cheval… dès lors qu’il ne s’agit pas d’un professionnel.

Pour un particulier, il n’est pas obligatoire, mais fortement recommandé, de souscrire une assurance responsabilité civile (RC) pour le cheval dont il a garde.

L’objet de cette assurance RC est de couvrir les risques de dommages qui pourraient être causés aux tiers par le cheval lorsque l’assuré en a la garde. Lorsque ce dernier est reconnu responsable d’un dommage, l’assurance permet d’indemniser la victime.

Lorsque le gardien est titulaire de la licence d’équitation FFE, il est également envisageable pour lui de souscrire une extension « responsabilité civile propriétaire d’équidé » (RCPE). Celle-ci couvre la responsabilité civile du propriétaire lorsque ce dernier n’est pas en action d’équitation (la licence inclut une assurance RC pour les actions d’équitation). Cette assurance fonctionne également lorsque le titulaire prête son cheval à un ami, de façon ponctuelle et à titre gratuit, sans transfert de garde. Pour souscrire ce type d’assurance, il est obligatoire de fournir le nom complet et le numéro SIRE du cheval.

Un grand nombre d’assureurs proposent également des assurances responsabilité civile. N’hésitez pas à vous renseigner et à comparer les offres (franchises, plafonds, garanties complémentaires, montant des primes…) pour trouver celle qui vous correspondra le mieux.

L’assurance responsabilité civile du gardien professionnel

Y a-t-il une activité d'enseignement de l'équitation ?

Si OUI ⇒ Lorsque le gardien du cheval est un professionnel proposant l’enseignement de l’équitation (art. L321-1 du code du sport), la souscription d’une assurance RC professionnelle est obligatoire.

Si NON ⇒ Lorsque le gardien du cheval est un professionnel mais ne propose pas d’enseignement de l’équitation, l’assurance RC professionnelle n’est pas obligatoire, mais vivement recommandée.

La RC professionnelle couvre les conséquences pécuniaires des sinistres dans le cadre desquels la responsabilité civile délictuelle ou contractuelle du professionnel est engagée.

La RC professionnelle vise non seulement à couvrir les risques de dommages causés aux tiers par les chevaux se trouvant sous la garde du professionnel mais également à indemniser le propriétaire du cheval gardé par le professionnel lorsqu’il a été blessé consécutivement à une faute professionnelle commise par ce dernier dans l’exécution du contrat de pension (dépôt salarié) par exemple.

Dans le cas d’un dommage subi par le cheval dans le cadre d’un contrat de pension, la mise en cause de la responsabilité du professionnel ne se fonde pas sur l’article 1243 du code civil puisque celui-ci ne concerne que les dommages causés par le cheval à des tiers.

On se fondera alors sur les articles 1927 et 1928 du code civil relatifs au contrat de pension et qui énoncent : « Le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu'il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent » puis « La disposition de l'article précédent doit être appliquée avec plus de rigueur : […] 2° s'il a stipulé un salaire pour la garde du dépôt […] ». En cas de manquement dans l’exécution du contrat de pension, le professionnel pourra engager sa responsabilité civile à l’égard du propriétaire de l’animal confié. Le dépositaire tenu à une obligation de moyens renforcée concernant la sécurité de l’animal confié sera présumé fautif. Pour s’exonérer de sa responsabilité, il pourra démontrer qu’il n’a commis aucune faute ou que la blessure du cheval est consécutive à un cas de force majeure, à une faute de la victime ou au fait d’un tiers. S’il n’y parvient pas et qu’il est reconnu responsable du dommage, il sera tenu d’indemniser le propriétaire du cheval. Son assurance RC interviendra à ce moment-là pour prendre en charge le montant de l’indemnisation.

Dans ce cas précis (dommages subis par le cheval dans le cadre du contrat de pension), le professionnel qui héberge des chevaux doit être extrêmement vigilant quant aux plafonds de garantie RC. Ce plafond est inopposable aux tiers. Lorsque le centre équestre est amené à se voir transférer la garde de chevaux de valeur, il doit veiller à ce que le plafond de garantie soit mentionné dans le contrat de pension. Ainsi, en cas de dommages au cheval, l’écurie pourra être tenue d’indemniser le propriétaire seulement à hauteur du plafond de l’assurance (qui lui deviendra opposable). Dans le cas contraire, elle devra assumer sur ses deniers propres la différence entre le montant versé par l’assurance et le montant du préjudice de la victime.

Le professionnel doit également être prudent quant aux activités pour lesquelles il est assuré. Son contrat d’assurance RC professionnelle doit couvrir l’ensemble de ses activités et ne pas comporter d’exclusions de garanties.

On peut également rappeler au propriétaire du cheval qu’il est possible de souscrire une assurance mortalité/invalidité pour son équidé.

Quelques illustrations jurisprudentielles

Cour d’appel de Rennes, 07 décembre 2016

Au cours d'une randonnée organisée par un centre équestre, un cheval de trait appartenant à un tiers s'échappe de son enclos et se dirige vers les chevaux de la randonnée. Le dirigeant du centre équestre, accompagnateur des cavaliers participant à la randonnée, intervient pour maîtriser le cheval échappé et reçoit un coup qui le blesse. La blessure de l’organisateur de la randonnée intervient alors que le cheval tentait de saillir une des juments. La présence de juments en chaleur dans le groupe des montures des randonneurs ne constitue pas une faute de la part du dirigeant du centre équestre. La responsabilité pleine et entière du propriétaire et gardien du cheval de trait échappé est retenue.

Tribunal de grande instance de Paris, 17 décembre 2015

A l’occasion d’une promenade, un cheval a été blessé par une jument qui a rué. Le cheval souffre de fractures à l'antérieur gauche. Il est opéré et malheureusement euthanasié suite à des complications. La propriétaire du cheval décédé des suites de ses blessures recherche la responsabilité de la propriétaire et cavalière de la jument ayant rué. En tant que gardienne de la jument au moment des faits, la propriétaire de celle-ci est considérée comme responsable des dommages occasionnés par sa jument. L'assurance de la propriétaire de la jument refuse de rembourser les frais vétérinaires au motif qu'ils sont d'un montant égal à plus de 4 fois la valeur du cheval. Il n'est pas établi que la propriétaire du cheval blessé ait commis une faute en acceptant les soins du cheval. L'assurance est condamnée à rembourser les frais vétérinaires et à indemniser le préjudice moral.

Cour de cassation, 17 septembre 2009

Un éleveur de chevaux souscrit un contrat RC. Certains de ses chevaux se retrouvent en divagation et causent un accident de la circulation. L’assurance doit indemniser la victime.

En savoir plus sur nos auteurs
  • Claire BOBIN Institut du Droit Équin (IDE)
  • Laurie BESSETTE Institut du Droit Équin (IDE)
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Date d'édition : 17 05 2024

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